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Tenir un journal d’activité (1/4): Les Bénéfices

Tenir un journal d’activité (1/4): Les Bénéfices

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I never travel without my diary. One should always have something sensational to read in the train.
— Oscar Wilde

Dans des vies professionnelles (et personnelles) qui sont hachées entre de multiples projets ou sujets à faire avancer en parallèle, on peut parfois avoir le sentiment paradoxal et frustrant de faire "plein de choses"… sans toutefois savoir précisément et exhaustivement lesquelles en fin de période. Un journal d'activité peut nous aider à y voir plus clair...

Ce post est le premier d’une série de quatre consacrés à ce sujet. Il explore les bénéfices que l’on peut attendre de la tenue régulière d’un journal. Le deuxième post en exposera les principes (quelles règles respecter pour tenir un journal ?) ; le troisième se penchera sur les rituels associés (quand et comment tenir son journal ?) et enfin le dernier explorera la question des outils (où et avec quoi tenir son journal ?).

Futur, Présent, Passé

Le journal, Une technique anciennE

Tenir un "état de ce qui s'est passé au cours du temps" est une activité presque aussi ancienne que l'écriture elle-même, et qui est utilisée dans beaucoup de domaines de l'activité humaine :

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  • Journaux intimes (Stendhal, Thoreau, Gide, Kakfa)

  • Chroniques historiques (Bède le Vénérable, Froissart)

  • Mains courantes (commisariats, hôpitaux)

  • Journaux comptables (finance)

  • Log books, journal de bord (marine, aviation)

  • Logs (bases de données, systèmes d’information)

Une telle ubiquité semble indiquer que l'exercice du journal apporte de la valeur à ceux qui prennent la peine de les tenir. Cela tient à la façon dont nous passons à l’action dans nos vies.

Comment fait-on les choses dans la vie ?

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D'abord, on en rêve, on se projette : c'est le moment où l'on fait des plans de voyage lointains dans le temps et dans l'espace, où on se dit qu'il faudrait acheter un cadeau pour l'anniversaire de tel ou tel, ou bien encore qu'il faut absolument répondre au mail du client Schproutz avant ce soir. C'est le moment où l'on embrasse du regard un certain futur.

Puis, un beau jour, on achète le fameux cadeau. On répond au mail de Schproutz. On se met à effectuer la première et toute petite action concrète qui nous rapproche de la Nouvelle-Zélande que nous visiterons dans trois ans. C'est le moment de l'action, et l'action est toujours dans le présent.

Et après ? Après, les choses que nous avons faites sont des souvenirs, des traces de ce que nous avons réalisé. Mais ces traces peuvent être utiles, par exemple pour répondre à des questions telles que "Est-ce que j'ai bien répondu à Schproutz finalement ? Quand ça ?" ou bien "J'avais acheté quoi l'année dernière déjà comme cadeau pour Robinson ?" ou encore "Qu'est-ce que j'ai fait dans le dernier mois pour préparer à mon voyage austral ?" Cette fois, c'est vers le passé que notre regard se tourne.

Nous avons déjà exploré dans des posts précédents l'appréhension du futur (via la Tout Doux list) et du présent (avec la Today list). Il est donc juste et bon que nous nous intéressions à présent au passé avec un nouveau dispositif, le JOURNAL, défini simplement comme une suite ordonnée de dates dont chacune contient un certain nombre d'enregistrement de données jugées utiles.

Nous le ferons comme d’habitude en prenant notre temps, dans une série de posts qui traiteront de différents aspects de la question.

Le post d’aujourd’hui commencera par explorer les différentes bonnes raisons que nous pourrions avoir de tenir un journal.

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Pourquoi et dans quel but tenir un journal ?

Comme tout effort d’organisation, tenir un journal représente un certain coût. Supporter ce coût de manière prolongée dans le temps n’est possible que si les bénéfices obtenus en contrepartie lui sont jugés supérieurs. Nous allons donc commencer par explorer ces bénéfices, ce qui nous aidera par la suite à concevoir un journal apte à les délivrer au moindre coût.

Personnellement je fais l’effort de tenir un journal pour quatre raisons différentes :

  • Pour soulager ma pauvre tête

  • Pour avoir une vue historique de mes réalisations

  • Pour suivre des indicateurs clé

  • Pour clôturer chaque période de travail

soulager ma pauvre tête

La réponse au mail de Michel... je l'ai faite ou pas, finalement ? Et si oui, quand ? Et le virement à l'assurance ? L’accord pour le budget, je l’ai obtenu en mars ou en avril ?

Voilà un genre de question que nous nous posons tous, de temps en temps. Observons une chose à leur propos : si, en supposant que j'ai répondu un certain jour au mail de Michel, et que ma réponse est importante dans ma relation avec Michel, je prends ce jour-là la peine d'écrire quelque part "<date du jour> Répondu au mail de Michel sur <sujet>", cela ne me coûte presque rien en terme de temps passé ou d'effort consenti. Si en revanche, je dois quelques jours ou semaines après retrouver la date à laquelle j'ai (peut-être) répondu à Michel, cela me prendra (relativement) bien plus de temps... si j'y arrive, parce que ma tâche consistera alors à rechercher "quelque part" des traces de l'activité qui a (si ça se trouve) eu lieu.

Avec un journal, au contraire, on gagne sur plusieurs tableaux.

  1. On se donne des traces : on génère des traces même pour des activités qui n'en laissent pas ou peu naturellement ("Déjeuné avec Emmanuelle, relations difficiles avec son manager en ce moment.")

  2. Groupées dans un endroit unique : ces traces sont toutes regroupées au même endroit, ce qui facilite grandement leur recherche.

  3. Ces traces sont datées : la réponse au mail de Michel que j’évoquais plus haut est naturellement datée, parce qu’elle s’effectue par le biais d’un système (l’email) qui met de manière routinière un tampon horodateur sur tout ce qu’il fait pour moi. Mais il n’en va pas de même pour cette information importante que j’ai obtenue d’un collègue à la cafétéria, ni cette personne intéressante que j’ai croisé lors d’un colloque. Mettre ces éléments dans un journal permet, à moindre coût car cet enregistrement est fait à chaud, de disposer plus tard d’une mise en contexte temporelle de ces informations.

  4. Et elles renforcent notre mémoire : le fait de non seulement répondre à Michel, mais aussi d'écrire pour soi-même qu'on lui a répondu, ancre davantage le souvenir de cet acte dans notre conscience, ce qui fait qu'on n'aura peut-être même pas besoin de recourir au journal pour se rappeler qu'on a bien répondu à Michel (mais qui pourra nous faire retrouver la date de la réponse très facilement)

avoir une vue historique de mes réalisations

Il arrive parfois qu'on ait des entretiens d'évaluation. On doit alors répondre à la question "Qu'est-ce que j'ai fait de notable durant la dernière période ?"

l’EFFET PEAK-END

L'effet peak-end (“pic-fin”) est décrit par l'économiste (et prix Nobel) Daniel Kahneman comme un biais observable de la mémoire. L'expérience qui le met en évidence se déroule comme suit.

  • On demande à des sujets d'enregistrer à intervalle de temps réguliers une quantification de leur ressenti au cours d'une expérience (par exemple leur niveau de douleur ressentie lors d'un examen médical hilarant, comme une coloscopie par exemple). On obtient ainsi une courbe de leur expérience de douleur subjective.

  • On leur demande ensuite, ex post, de qualifier de mémoire leur ressenti global après l'expérience.

  • Le bon sens suggère que ce ressenti global sera proportionnel à la surface comprise sous la courbe d'expérience : un patient souffrant un peu plus mais sur une durée brève aura un meilleur souvenir qu'un autre ayant souffert un peu moins mais beaucoup plus longtemps.

Surprise ! Kahneman a découvert qu'il n'en était rien, et que le meilleur prédicteur du souvenir global que le sujet aura de l'expérience était la moyenne entre l'extremum (la douleur ressentie au moment où il/elle a eu le plus mal - "peak") et la douleur expérimentée à la fin de l'expérience ("end"). Autrement dit, la durée totale de l'expérience et les évènements intermédiaires étaient négligés.

Bref, on se souvient l'air du ténor à l'acte II et de la scène finale pour décider si l'opéra était bon ou pas.

[Pour aller plus loin : “Système 1, système 2, les deux vitesses de la pensée” (Daniel Kahneman, Flammarion/Champs)]

Répondre à cette question est faussement simple, en raison de l'effet "peak-end" décrit dans l’encadré ci-contre. Notre passé le plus récent, ainsi que les "grosses" réalisations de la période seront facilement présents à notre esprit, mais il existe aussi à côté de ces continents de nombreux archipels de réalisations plus discrètes ou plus anciennes qu'il serait peut-être dommage de passer par pertes et profits. Un journal peut nous aider à nous baser sur une vue exhaustive de notre année pour y sélectionner nos réalisations les plus marquantes, y compris les "petites" actions qui se sont révélées au final avoir un impact significatif.

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Ce qui est vrai à l'échelle d'une année l'est aussi sur des durées beaucoup plus réduite. Une semaine de travail passe très vite, et peut être plus ou moins agitée. Au delà de cette écume des jours, cela peut constituer un bon rituel que de prendre quelques minute en fin de période (semaine, mois, trimestre...) pour faire le bilan ce qui a réellement avancé (ou pas...) durant ce temps-là. On y gagne suivant le cas soit de la fierté soit de la lucidité, qui sont toujours l'une et l'autre bonnes à prendre.

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Nous avons par ailleurs tous et toutes dans nos vies des projets que nous menons sur le moyen ou long terme : changer de job, faire construire une maison, obtenir un diplôme par exemple. Ces projets sont longs et complexes, et vont devenir réalité à travers une myriade de petites actions quotidiennes réalisées jour après jour sur une longue période. C'est ce qu'exprime la métaphore du sablier à projet ci-contre, que je reprends du post consacré aux rituels de la Tout Doux list.

Si nous prenons la (petite) peine de consigner ces différentes actions au service de notre projet dans notre journal, nous disposerons ainsi facilement d'un historique complet de la façon dont nous avons fait avancer ledit projet au cours du temps. Du point de vue d'un projet particulier, la Tout Doux list est son avenir, la Today list son présent, et désormais le journal est son passé, c'est-à-dire son histoire.

Celle-ci peut être utile en cours de projet comme aide-mémoire ("C'était quand exactement, la date d'obtention du budget ?", "Depuis quand on a des soucis avec le fournisseur Schproutz ?"), mais aussi à plus long terme comme archive, par exemple pour nous aider à revivre et tirer profit l'expérience de toutes les péripéties d'un projet vieux de deux ans au moment d'en attaquer un autre de profil similaire.

suivre des indicateurs clé

You cannot improve what you don’t measure
— Peter Drucker

Suivant la sagesse de Peter Drucker, il peut être intéressant de suivre de manière continue dans le temps l'évolution de certains paramètres que l'on juge important dans sa vie. Ainsi Marc pourra suivre sa courbe de poids, tandis que Aïcha notera scrupuleusement le contenu de ses séances d'entraînement et ses performances.

Quasiment tout peut ainsi être mesuré pour en faire une observation non pas objective, mais moins subjective que si on en laisse le soin à notre seule mémoire (rappelons-nous le sournois effet "peak-end").

Ainsi, je me donne depuis des années tous les jours une "note de moral" qui va de 1 (fin du monde) à 5 (roi du monde). Au delà de l'écume des jours des bonnes et des mauvaises journées, regarder cet indicateur varier au cours du temps et observer ses tendances m'apporte une invitation à mieux comprendre ce qui fait pour moi une "bonne" ou une "mauvaise" journée, de façon à les rendre les bonnes plus répétables, et les mauvaise plus évitables...

Le coach que je suis, lorsqu’il a affaire à un client dont le problème est sa mauvaise relation avec son collègue Charles, peut l’inviter à tenir un journal quotidien de la qualité et des évènements marquants de sa relation avec Charles, afin de pouvoir ensuite commencer à "debugger" cette relation sur la base d’observations plutôt que de ressentis.

clôturer chaque période de travail

Enfin, un journal peut nous aider à "garder des traces du sillage au milieu des remous." Une journée de travail, et une journée tout court, est faite de beaucoup d'évènements. Certains sont anecdotiques ("Michel est passé à mon bureau, et j'ai mis vingt minutes à lui faire comprendre que mon travail était plus urgent que la relation par le menu de son barbecue du week-end"), mais d'autres sont mémorables, au sens où ils matérialisent quelque chose d'important pour nous et nos projets, ("Obtenu l'accord de mon manager pour présenter mon initiative à son chef"), ce qui peut aussi comprendre des déconvenues ("L'embauche que j'espérais pour mon équipe est officiellement refusée").

Garder une trace de ces évènements marquants de la journée, au delà de constituer petit à petit l'historique de nos projets, nous permet également de faire chaque jour un petit bilan de ces quelques heures de travail avant de passer à autre chose. Bonne ou mauvaise, c'est intéressant de regarder ainsi notre journée droit dans les yeux, pour ce qu'elle a été, ou pas, et d'en tirer soit de la fierté et de l'énergie si nous la trouvons satisfaisante, soit des leçons et de l'expérience dans le cas contraire (comme par exemple éviter avec soin Michel le lundi).

Ainsi, créer une entrée de plus dans son journal le matin, vide à ce stade, constitue une sorte de parenthèse ouvrante de la journée le matin.

Y ajouter des éléments marquants dans le courant de la journée matérialise l’impact réel de cette journée sur notre vie et celle de notre entourage.

Enfin, y apporter un point final le soir permet de la clore, d’en faire un bilan rapide, de l’assumer ou de s’en réjouir, et de passer à la dernière partie de la journée sans emporter avec soi pour la soirée ou la nuit plus de “bagage mental” que nécessaire.

Passer à l’action

Pour résumer : nos journées hachées peuvent s’allier à nos mémoires chancelantes pour nous donner l’impression désagréable que nous faisons “plein de trucs” sans pour autant être capable de distinguer l’essentiel de l’accessoire dans ce flot ininterrompu d’activité.

Si je vous ai convaincu à ce stade que tenir un journal peut constituer un bon antidote à ce sentiment tout en nous rendant plus efficace, reste à voir comment mettre en œuvre concrètement ce fameux journal afin qu’il tienne ses promesses.

Ce sera l’objet des trois prochains post de cette série, en commençant par l’exploration des principes qui doivent nous guider dans cette nouvelle facette de notre organisation [patience, ce post paraîtra début octobre 2021]

Tenir un journal d'activité (2/4): Les Principes

Tenir un journal d'activité (2/4): Les Principes

Un nouvel atelier Robinson | En juin, en ligne, en soirée, en deux fois

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