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Comment Aider Autrui Sans Risque ? | Le Triangle Dramatique de Karpman

Comment Aider Autrui Sans Risque ? | Le Triangle Dramatique de Karpman

Never give advice nor salt until you are asked for it.
— Proverbe anglais

En tant qu’être humain, notre propension à aider les autres est importante... mais pas toujours sans danger. Le psychologue Stephen Karpman l’a mis en évidence au travers de son célèbre Triangle. Ce post en présente les protagonistes et le déroulement, ainsi que les moyens de s’en protéger.

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Etre humain c'est aider

On a demandé un jour à la célèbre anthropologue Margaret Mead ce qui pour elle constituait le premier signe de la civilisation humaine.

Sa réponse a été surprenante. Elle n’a pas dit « une pierre polie », « un hameçon » ou « une poterie », mais elle a répondu « un os », ou plus exactement « un fémur guéri après une fracture. »

Et elle a expliqué.

Dans la nature, n’importe quel animal qui se casse une jambe est très rapidement la victime de ses prédateurs. Pour qu’un humain survive à une telle blessure, il est nécessaire qu’un autre être humain lui prête assistance, le ramène en lieu sûr et veille sur lui le temps que sa jambe guérisse. Ainsi le fémur réparé est-il le marqueur d’une spécificité de la civilisation : l’entraide.

Donc de manière générale, et depuis fort longtemps, les humains s’aident les uns les autres, c’est une sorte de marque de fabrique qui leur est propre et un moteur puissant de leur succès en tant qu’espèce.

Mais tout n’est pas si simple, et aider n’est pas toujours sans danger. C’est ce que nous allons explorer maintenant. Nous le ferons en nous aidant d’un modèle proposé en 1968 par le psychiatre Stephen Karpman, modèle qu’il a baptisé le « Triangle Dramatique ».

Un exemple

Nous ne sommes plus au paléolithique, mais un mardi matin, il est 9h55 et Sacha se rend à la réunion hebdomadaire de son département. En passant dans le couloir, il aperçoit Victoire qui se trouve près de la photocopieuse. Victoire est en train de râler.

« Ah là là, mais c’est pas possible, ça fait 10 fois que j’essaye de réduire ce document au format A5 et cette foutue bécane ne fait que l’agrandir !! »

Sacha, n’écoutant que son bon cœur de collègue-toujours-prêt-à-rendre-service, lui dit : « Attends, j’ai déjà fait ça, fait voir ? » Et il commence à essayer lui même de réaliser la photocopie que désire Victoire.

10 minutes plus tard, Sacha n’y est toujours pas parvenu, et à force de la manipuler tous les boutons de la photocopieuse, la machine affiche maintenant un code d’erreur et refuse de photocopier quoi que ce soit.

Sacha dit alors « Bon, ben... en fait tu sais quoi ? Cette machine elle est très différente de celle de mon étage ... En vrai je crois que je comprends pas très bien comment elle marche. Ecoute, ma réunion a commencé, il faut vraiment que j’y aille, désolé, bon courage et bonne journée ! »

Victoire éclate alors : « Et c’est maintenant que tu me dis ça ? En me laissant avec la photocopieuse en panne !! Moi aussi figure-toi j’ai une réunion maintenant, et je vais devoir y aller sans mes documents !! Vraiment, la prochaine fois que tu as envie d’aider quelqu’un, s’il-te-plaît, trouve quelqu’un d’autre !! »

Nous nous retrouvons donc avec deux personnages très frustrés à la fin de cette interaction.

Victoire est furieuse. Elle en veut à Sacha

(premièrement) de ne pas avoir réussi à l’aider malgré sa promesse,

(deuxièmement) de l’avoir mise dans une situation pire que celle où il l’avait trouvée et

(troisièmement) de l’abandonner dans cette situation en s’enfuyant vers sa réunion

Sacha, de son côté, reproche à Victoire de

(premièrement) ne pas lui avoir dit qu’il n’avait que 5 minutes pour résoudre son problème

(deuxièmement) de ne pas l’avoir remercié de sa bonne volonté et

(troisièmement) de lui avoir au contraire fait des reproches.

A vous de jouer…

Avant de commencer à explorer ce qui s’est réellement passé dans cette petite saynette, un petit exercice de réflexion pour vous.

Je vous demande de faire un effort de mémoire pour trouver dans vos propres expériences de ces derniers mois, un épisode qui ressemble dans sa structure à celui que viennent de vivre Victoire et Sacha : une tentative d’aide qui tourne au vinaigre et où, à la fin, l’aidant et l’aidé s’en veulent mutuellement.

Bref, avez-vous été, dans votre vie professionnelle ou personnelle récente, une Victoire, un Sacha, voire une Photocopieuse mal lunée ? Et qui étaient alors vos deux comparses ?

3 rôles

Le Triangle Dramatique de Karpman tire son nom du fait qu’il met en scène trois archétypes de personnages (triangle), et qu’il se finit mal (dramatique). Nous allons donc commencer par présenter ces trois personnages.

Le premier joue le rôle de la Victime. Sa devise est « pauvre de moi !», et sa vision du monde implique un autre acteur auquel elle attribue l’intégralité de son infortune.

La source identifiée par la Victime de tous ses maux correspond au rôle du Persécuteur. « Tout est de ta faute ! » pourrait être le refrain du Persécuteur. (La photocopieuse, si elle pouvait parler, dirait quelque chose du genre

« Tu ne sais pas m’utiliser correctement car tu es incompétente ! »)

Enfin le dernier protagoniste est le Sauveur. Sa phrase favorite à lui, c’est « laisse-moi t’aider ». Lui se voit, à tort ou à raison, comme quelqu’un de « capable » et pense également que sa mission dans la vie consiste à mettre cette capacité à la disposition des Victimes qui croisent sa route.

Précisons tout de suite qu’il y a dans la vie des personnes qui sont de véritables Victimes, de véritables Persécuteurs et de véritables Sauveurs. L’actualité nous en donne malheureusement un certain nombre d’exemples.

Mais il y a aussi, dans notre vie quotidienne, des moments assez fréquents où nous mettons le masque associé à l’un de ces archétypes. Nous nous engageons alors dans des séries d’interactions assez codifiées, que l’on appelle parfois des « jeux ».

Ces jeux peuvent, si nous ne sommes pas suffisamment conscients de leur fonctionnement, nous conduire vers des crises là où nous espérions de l’aide et de la reconnaissance. L’apparition de ces crises nous laisse tout dépités.

C’est donc bien un de ces « jeux » du quotidien dont Karpman a mis à nu la structure qui nous intéresse ici, afin de trouver des moyens d’éviter qu’ils ne tournent au drame.

Voyons comment.

A vous de jouer…

Essayons d’analyser l’échange entre Victoire et Sacha, à l’aide de deux questions auxquelles je vous demande de réfléchir un instant :

Q1 - Quel est le rôle endossé par Victoire, Sacha et la Photocopieuse au début de l’histoire ? Leur initiales devraient vous aider.

Q2 - Et puis, lorsque vous aurez identifié ces rôles pour eux, pouvez-vous également répondre aux mêmes questions en ce qui concerne la situation personnelle que vous avez identifiée lors de l’exercice précédent ?

Des intérêts cachés

Bon, quelqu’un a un souci, quelqu’un d’autre lui donne un coup de main, finalement, où est le problème, direz-vous ? Pour le découvrir, il faut se demander quels sont les intérêts des trois personnages de notre triangle, et en particulier leurs intérêts cachés, car ils en ont.

Le Persécuteur, lorsqu’il est un humain de chair et d’os et non pas une machine, a pour intérêt caché de maintenir entre lui et la Victime une hiérarchie où lui-même tient le haut du pavé.

En critiquant, diminuant, ou dévalorisant la Victime, il tend à placer le problème à 100% dans le camp de celle-ci.

Ceci lui permet de s’absoudre de tout rôle dans l’apparition du problème et donc de maintenir intacte sa bonne image de lui-même.

Il peut également bien souvent trouver là un moyen commode de gérer son propre stress en l’évacuant sous forme d’agressivité vers un tiers.

La Victime, peut-être plus paradoxalement, peut, elle aussi, trouver un intérêt caché dans son rôle.

A l’instar du Persécuteur, un premier intérêt peut être de s’exonérer, à tort ou à raison, de toute responsabilité dans la situation, en se disant qu’elle n’est que la cible innocente de la vindicte injustifiée du Persécuteur.

Un deuxième intérêt peut consister à maintenir en l’état une image dévalorisée d’elle-même, sur le mode « je suis nul, comme d’habitude ». Certes ce n’est pas une pensée très agréable, mais elle offre cependant un bénéfice caché : en présentant sa « nullité » comme un état de fait éternel, immuable, la Victime se dispense de penser autrement, et donc d’envisager un changement. Et le changement nécessite toujours plus d’énergie que le statu quo.

Enfin, la posture de Victime offre un certain confort dans la mesure ou des Sauveurs existent ici où là qui sont toujours prêts à rendre service. En développant une capacité à en attirer un dans un triangle dramatique, une Victime peut, consciemment ou non, obtenir l’avantage d’obtenir un service sans avoir à investir elle-même pour acquérir le savoir-faire correspondant. On peut toujours apprendre à se servir d’une photocopieuse, mais ça demande un minimum d’investissement.

Enfin le Sauveur, pour sa part, a lui aussi ses propres intérêts cachés. Un peu à l’instar du Persécuteur, son rôle lui permet de se voir dans une position haute vis-à-vis de la Victime. Comme le dit fort joliment un proverbe africain : « la main qui donne est au-dessus de la main qui reçoit ».

De plus, en entrant dans une relation d’aide, le Sauveur soigne également son image à ses propres yeux : celle de quelqu’un de compétent, de serviable, dont on souhaite le concours.

Ce faisant il éloigne la perspective d’être lui-même une Victime, ce qui bien entendu lui arrive aussi de temps à autres comme tout le monde, mais ce qui demande un peu plus d’humilité pour être accepté.

Enfin, même si le Sauveur peut prétendre se voir dans une posture uniquement altruiste, en réalité son acte d’aide est bien une transaction avec la Victime, transaction au cours de laquelle quelque chose est attendu par lui en échange de son aide.

Cette sorte de rétribution attendue par le Sauveur peut aller d’un simple « merci » à une déclaration de reconnaissance beaucoup plus enflammée du type « Ah Sacha, tu es vraiment le roi de la photocopie, je ne sais pas ce que j’aurais fait sans toi, tu as sauvé ma réunion et ma journée. »

Le Sauveur peut également escompter se créer une sorte de créance sur la Victime, à qui il pourra faire appel plus tard pour se la faire rembourser d’une façon ou d’une autre.

A vous de jouer…

Pour mettre à jour cette notion d’intérêts cachés, je vais vous demander maintenant à titre d’exercice de réfléchir à une situation passée où vous avez joué le rôle de Sauveur, que vous devriez savoir maintenant reconnaître, et au cours de laquelle vous avez été frustré(e) par l’absence de reconnaissance de votre Victime. Je fais le pari qu’une telle situation existe, tant elle est courante dans la vie de tous les jours.

Quelques questions pour vous à propos de cette situation :

Q1- Qu’attendiez-vous de la part de la Victime, dont l’absence vous a manqué ?

Q2- Qu’avez-vous alors pensé de la Victime ?

Q3- Comment avez-vous communiqué ce sentiment à la Victime, implicitement ou explicitement, dans la suite de votre relation ?

Le triangle en action

Nous avons maintenant fait connaissance avec les protagonistes du triangle, y compris en explorant leurs sombres intérêts cachés. Voyons maintenant comment la pièce se déroule. Les détails peuvent en effet changer, mais le scénario est quant à lui immuable dans sa structure.

Premier acte : Quelqu’un se pose en Victime et cherche un Sauveur

C’est la Victime qui entre en scène en premier. Elle se voit comme ayant un problème dont l’origine est extérieure à elle-même, chose ou personne : c’est le Persécuteur.

Comme à peu près toute personne qui a un problème, la Victime cherche une solution à ce problème. Ce qui la pose en Victime, c’est qu’elle ne se voit pas, ou très peu, comme partie prenante de cette solution. Elle va donc consciemment ou inconsciemment, se mettre en quête d’un Sauveur comme d’un tiers apte à lui apporter cette solution.

Une façon très courante pour les Victimes de mener à bien cette quête consiste à rendre public leur malheur à la cantonade. Cela peut se faire par exemple en se plaignant à voix haute de leur malheur, telle Victoire près de la photocopieuse.

D’autres Victimes écriront un email circulaire indiquant qu’il faudrait que « on » règle tel ou tel problème. Les cafétérias d’entreprise font également une bonne part de leur chiffre d’affaire avec des collaborateurs s’épanchant sur leurs malheurs.

Deuxième acte : Victime et sauveur s’accrochent l’un à l’autre

Si quelqu’un possédant un profil de Sauveur se trouve à proximité d’une Victime cherchant de l’aide pas chère, il y a de forte chance pour qu’il entende le message plus moins conscient de la Victime... parce qu’il est lui- même plus ou moins consciemment à l’écoute de tels messages en permanence.

Son réflexe sera alors de se précipiter au secours de la Victime, sans beaucoup de précautions, répondant à la demande souvent informulée de la Victime dans l’espoir de satisfaire ses besoins cachés.

Le processus d’aide commence alors...

Troisième acte : Coup de théâtre

Dans beaucoup de cas, l’opération de sauvetage se déroule sans anicroches, et les choses ne tournent pas au vinaigre. La Victime a réussi à se faire aider à moindre coût, et le Sauveur peut savourer ses remerciements tout en se disant qu’il est vraiment un brave garçon ou une bonne fille.

Mais parfois les choses prennent un autre tour, nettement moins agréable. On parle alors de « coup de théâtre » parce que les rôles s’inversent à ce moment-là.

La Victime peut considérer que la solution qu’apporte le Sauveur ne lui convient pas (elle ne marche pas, ou pas assez, ou pas assez vite, ou pas comme la Victime l’aurait souhaité, etc.)

Elle commence alors à en vouloir au Sauveur et à lui faire reproche de cela, d’autant qu’elle se souvient aussi à ce moment-là qu’elle n’a pas réellement sollicité explicitement l’aide de ce dernier.

Lorsque la Victime se retourne ainsi vers son Sauveur avec des reproches à la bouche, elle devient à son tour... le Persécuteur du Sauveur !

Le Sauveur, de son côté, peut évoluer en cours de sauvetage : cette petite affaire lui coûte finalement plus cher qu’il ne l’avait escompté, et/ou il n’arrive pas vraiment, ou pas du tout, à améliorer la situation de la Victime comme il l’avait laissé entendre...

Il vient donc un moment où il doit envisager d’annoncer à la Victime qu’il va cesser de l’aider, ce qui n’était pas prévu dans le contrat, d’ailleurs inexistant, passé entre eux deux lors du début de l’opération d’aide.

Il se transforme donc lui aussi en Persécuteur de la Victime à qui il venait jusque-là en aide.

Il peut également prendre fait et cause pour la Victime au point d’en faire grief au Persécuteur initial. Ce dernier, attaqué par le Sauveur, se mue soudain en Victime de ce Sauveur qui vient de se transformer à son tour en Persécuteur.

Epilogue : Après la bataille

Si vous êtes un peu perdu à ce stade, c’est tout à fait normal. Après le coup de théâtre, on se retrouve avec des rôles brouillés où tout le monde est passé au moins une fois par la case « Persécuteur » et où chacun en veut à tout le monde ou presque.

Parti d’une situation qui semblait banale et simple avec des rôles bien établis, on est arrivé à un imbroglio où on ne sait plus qui est qui et où les reproches mutuels abondent.

Se protéger du triangle

Compte-tenu de ce qui précède, faut-il cesser toute relation d’aide ? Non, bien sûr ! Sinon nous n’oserions plus jamais nous casser le moindre fémur !

Deux choses doivent nous inciter à continuer à nous entraider sans craindre de tomber dans les pièges du Triangle de Karpman.

En premier lieu, le fait de savoir que beaucoup de situations d’aide ne tournent pas mal de cette façon et que donc le risque est limité à un petit nombre de situations.

Ensuite, et surtout, la connaissance du Triangle et de ses mécanismes sous-jacents nous sera d’un grand secours pour éviter d’en devenir... la victime, sans jeu de mot.

Concrètement, cela signifie que la connaissance de nôtre rôle de prédilection, associé à la connaissance des bonnes questions à se poser en cas de danger de Triangulation Karpmanienne, peut nous rassurer sur le fait que nous sommes dans une relation d’aide saine, sans risque de coup de théâtre.

Voyons cela plus en détail ...

Si vous êtes plutôt de tendance «Sauveur» comme Sacha

Si vous vous apprêtez à aider quelqu’un, posez-vous les quatre questions suivantes :

• Est-ce que je suis capable d’aider cette personne ?

• Est-ce que j’en ai envie ?

• Est-ce qu’elle me le demande ?

• Est-ce qu’elle accepte de prendre sa part du travail ?

La première question (« Est-ce que je suis capable d’aider ?») concerne votre capacité disons « technique » à apporter de l’aide. En effet votre envie très forte d’aider peut vous masquer le fait que vous n’êtes pas tout à fait au courant du fonctionnement de ce modèle de phocopieuse, ou que vous n’avez que cinq minutes devant vous pour venir à bout du problème. Donc évitez d’être perçu comme plus compétent que vous n’êtes, aussi bien par la Victime que par vous- même.

Pour beaucoup de gens (dont votre serviteur), la différence entre «je peux aider» et «je veux aider» n’est pas si nette que ça. Une explication possible tient dans une éducation qui a beaucoup insisté sur la nécessité «d’être gentil». Donc on aide, qu’on le désire ou non, du moment qu’on le peut techniquement. L’ennui c’est que ce faisant, on est exposé au risque de finir par en vouloir à la Victime que l’on aide du fait que nous l’aidons contre notre volonté, ce qui mène tout droit au coup de théâtre. D’où la précaution d’être au clair sur cet aspect, et de n’aider que si nous le désirons vraiment.

Ensuite, la demande, qui est un aspect très important. Ce qui fait d’une personne une Victime, c’est qu’elle sollicite de l’aide sans la demander explicitement en précisant ce qu’elle attend. Si une telle demande existe, le couple Victime/Sauveur se transforme en un couple d’adultes passant un contrat clair : j’ai un problème, je te demande un certain type d’aide, tu acceptes de me la donner, j’accepte de la recevoir.

L’absence de demande explicite doit toujours allumer un signal d’alarme dans la tête d’un Sauveur potentiel : « Triangle droit devant ! »

Une façon simple de pallier l’absence de demande, si le désir d’aider est là, est de provoquer cette demande en posant l’une des questions suivantes : « Est-ce que tu as besoin d’aide ? » ou mieux « Comment puis-je t’aider ? »

La seconde question est plus puissante parce qu’elle oblige la Victime à articuler ce dont elle a besoin, ce qui la sort de facto de sa posture de Victime pour rentrer dans la peau d’une personne adulte passant un contrat.

En dernier lieu, la question de savoir si la Victime prend sa part du travail constitue la dernière précaution à prendre pour le Sauveur. Si lors du sauvetage le Sauveur se surprend à faire un travail qui aurait pu être mené à bien par la Victime, il en concevra un sentiment d’injustice qui pourra bientôt se retourner contre elle, le transformant en Persécuteur lors d’un coup de théâtre.

La bonne question à se poser pour éviter cela est de bien mesurer ce que l’on se propose de faire concrètement pour aider la Victime, et de bien s’assurer qu’on n’est pas en train de faire quelque chose que la Victime pourrait faire elle-même.

Une variante de cette question revient à se demander si on se propose de faire quelque chose que la Victime ne sait pas faire elle-même (option service), ou de lui apprendre à faire cette chose-là (option formation). L’option service est en général plus rapide que l’option formation, mais ne rend pas la Victime autonome, créant possiblement une dépendance, et la récurrence d’une demande d’aide similaire dans le futur.

Si vous êtes plutôt une «Victime» à la Victoire

Les questions à se poser côté Victime pour échapper au Triangle de Karpman sont les suivantes :

  • De quoi ai-je besoin ?

  • Qui peut m’aider ?

  • Est-ce que je le lui ai demandé explicitement ?

  • Sommes-nous clairs sur qui fait quoi ?

Si votre voiture ne démarre pas, vous avez un problème, mais pas encore de besoin. Pour un même problème, ce besoin peut être très divers, par exemple :

  • Trouver les coordonnées d’un bon garagiste

  • Que quelqu’un fasse démarrer votre voiture

  • Changer de voiture

  • Trouver un moyen alternatif de vous rendre à votre rendez-vous

La première étape pour sortir de votre statut de Victime est donc de passer de «quelqu’un qui a un problème» à «quelqu’un qui a un besoin».

Avec votre besoin bien en main, vous pouvez maintenant vous mettre en quête d’une source apte à le satisfaire. C’est le sens de la deuxième question «Qui peut m’aider ?»

Une fois la « partie aidante » identifiée, reste ensuite à l’aborder explicitement avec votre demande de satisfaction de besoin, en étant bien conscient du fait qu’il peut refuser, et qu’il s’agit donc d’une négociation à mener.

En dernier lieu, comme vous avez maintenant conscience qu’il s’agit d’une négociation entre la partie aidante et vous-même, vous aurez à cœur de bien définir au cours de celle-ci ce qu’il fera de son côté et ce que vous ferez du vôtre. C’est l’objet de la quatrième question “Sommes-nous clairs sur qui fait quoi ?”

Si vous êtes plutôt un « Persécuteur » (voire une Photocopieuse...)

Les personnes qui ont le plus besoin de connaître les ressorts du Triangle Dramatique sont les Sauveurs et les Victimes, car ce sont elles qui font le plus souvent l’expérience du drame après un coup de théâtre.

Les Persécuteurs (que nous sommes aussi tous de temps à autres, avouons-le) sont davantage les témoins du retournement de situation entre Victime et Sauveur que partie prenante dans ce dernier, même s’il peut arriver plus rarement qu’ils se transforment eux aussi par magie en Victime ou Sauveur.

Cependant, s’il nous arrive de soupçonner que nous jouons un rôle de Persécuteur dans une situation donnée, comment faire pour nous assurer que cette situation est saine, c’est-à-dire qu’elle n’est pas le prélude d’un Triangle Dramatique, mais correspond à une situation normale où un certain nombre de choses, pas forcément agréables à entendre, doivent être dites ?

Là encore, apporter ses réponses à quelques questions simples peut nous aider à y voir plus clair et éviter les drames :

  • Est-ce que je recherche un bouc émissaire ou une solution à un problème ?

  • Est-ce que mes critiques portent sur des faits, des actions, ou sur une personne ?

  • Est-ce que je suis tout à fait sûr d’être totalement étranger à l’apparition du problème que je déplore ?

Lorsqu’un problème survient, une tentation bien humaine est d’éviter tout sentiment de culpabilité lié à ce problème. Trouver un autre acteur et lui faire porter le chapeau est une solution toute faite à ce nouveau problème, et nous y tombons facilement, ce qui est un générateur de Persécuteurs très performant.

Prendre conscience de cette tendance naturelle pour y résister constitue donc une bonne protection anti-triangle.

Ensuite, il convient de faire la différence entre des paroles comme

  • Ton travail n’est pas satisfaisant pour telle et telle raison

  • Ton travail est nul, et enfin

  • Tu es nul

Plus on avance dans cette liste, plus on tend une perche, puis un gros poteau à notre interlocuteur pour qu’il coiffe son chapeau de Victime. Si nous cherchons un coupable, nous trouverons sans doute une Victime. Si nous cherchons une solution, nous trouverons probablement un collaborateur.

Enfin, tout Persécuteur en herbe devrait méditer sur le fait que dans la vie, il est bien rare que les torts soient partagés à 0% d’un côté et 100% de l’autre.

La photocopieuse a été compliquée à mettre en œuvre, c’est vrai, mais était-il bien raisonnable de tenter de faire les copies juste 5 minutes avant le moment où Victoire en aurait besoin ?

Le travail rendu n’est pas à votre goût, d’accord, mais avez-vous exprimé ce que vous vouliez avec suffisamment de précision ? Ne vous êtes-vous pas trompée sur la façon dont une certaine dose d’implicite serait interprétée ?

A vous de jouer…

Dernier exercice de la séquence, je vais maintenant vous demander de revisiter la séquence triangulo-dramatique que vous avez identifiée dans votre propre expérience pour explorer, en fonction du rôle que vous y avez joué, comment les questions de prévention auraient pu vous assurer un meilleur résultat.

Si vous étiez Sauveur :

• Est-ce que j’avais la capacité, en compétence, mais aussi en ressources, pour aider la Victime ?

• Avais-je en plus le désir sincère de l’aider ?

• Est-ce que je répondais à une demande explicite de sa part ou bien est-ce que j’allais au-devant d’une demande informulée ?

• Est-ce que la Victime a assumé sa juste part de l’effort de guerre ?

Si vous étiez Victime :

  • Ai-je exprimé un besoin ou simplement exposé un problème ?

  • Suis-je allé au-devant du Sauveur ou me suis-je contenté de le laisser venir à moi ?

  • Ma demande envers lui a-t-elle été explicite et précise ?

  • Est-ce que j’ai assumé de mon côté la part du travail que je pouvais faire sans lui ?

Si vous étiez Persécuteur :

  • Qu’est-ce que je recherche ? Un coupable, ou bien une amélioration de la situation ?

  • Est-ce que je ne pousse pas mon interlocuteur à se victimiser en
    adressant mes reproches à sa personne plutôt qu’à son travail ou ses actes ?

  • Se pourrait-il qu’une partie des causes de l’apparition du problème me soit imputable ?

Conclusion

Depuis Pythagore et la découverte des Bermudes, on connaît le caractère difficile, voire dangereux des Triangles.

En mettant au jour celui qui porte son nom, Karpman nous a montré que cette figure géométrique familière pouvait se cacher également dans nos interactions quotidiennes les plus anodines en apparence.

J’espère qu’armé de la connaissance des mécanismes à l’œuvre et surtout des questions de prévention à se poser dans ce genre de circonstances, vous serez désormais à même de mieux naviguer sur ces eaux qui ne sont calmes qu’en apparence...

Note 1: J’ai enregistré ce post en video pour le compte du site vitruveo.com | Formation au management humaniste qui propose une approche originale de formation au management adaptée à notre époque numérique.

Note 2: Les découvreurs des fautes d’orthographe que j’ai du laisser traîner dans ce post recevront un bonbon. Utilisez les commentaires pour les signaler.]

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