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Politesse et Efficacité: 5 Mots pour le Dire

Politesse et Efficacité: 5 Mots pour le Dire

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La politesse est une monnaie qui enrichit non point celui qui la reçoit, mais celui qui la dépense.
— Sagesse Persane

Bonjour ! 

Dans un post récent je demandais à mes lecteurs de me faire penser à traiter des rapports entre politesse et efficacité... c'est chose faite grâce à une lectrice (merci Céline) qui m'a indiqué que ce thème l'intéressait (car oui, vous pouvez "commander" des posts sur ce blog :-)

Je vais donc m'attacher ci-dessous à tenter de vous convaincre qu'être poli dans un milieu professionnel est non seulement agréable pour tout le monde, mais rend également ceux qui en font preuve plus efficaces.

Je le ferai en considérant 5 mots au travers desquels cette politesse peut s'exprimer:

  • Bonjour

  • S'il-vous-plaît

  • Merci

  • Non

  • et enfin le mystérieux "..."

"Bonjour"

Commençons par les basiques. J'ai eu un manager dans une vie antérieure qui ne disait bonjour, en entrant dans le bureau que je partageais avec un collègue, qu'à celui d'entre nous dont il avait besoin à ce moment-là. Simple et efficace pour sa réputation. 

Si au contraire nous voulons signifier aux être vivants autour de nous (à l'exception des plantes vertes, quoique...) que nous leurs octroyons un statut supérieur à celui de l'imprimante de l'étage, alors je vous recommande chaudement de les saluer lorsque vous les croisez pour la première fois de la journée. Si vous ajoutez un sourire c'est encore mieux.

La plupart d'entre nous faisons cela assez naturellement avec les gens que nous connaissons et que nous rencontrons. Facile. Mais montons la barre d'un cran: faisons-le aussi avec les personnes que nous ne connaissons pas. Les gens ravis d'arriver au travail dans l'ascenseur. L'homme de ménage dont nous ne parlons pas la langue que nous croisons en arrivant tôt. Quelqu'un situé beaucoup plus haut que nous dans la hiérarchie. Même les gens dont nous croisons le regard dans la rue ou dans les transports en commun.

En quoi cela nous rend-il plus efficaces ?

Cela nous fait connaître — Nous passons petit à petit du statut de qui-ça-?  à celui de gars-qui-a-l-air-sympa-de-la-compta.

Cela nous  aide à vaincre votre timidité — Ce petit exercice innocent, mine de rien, nous sert de gym relationnelle quotidienne et nous aide à mater cette peur de l'autre qui est tapie en chacun de nous. Il se peut même qu'au bout d'un moment nous y prenions plaisir, et alors c'est gagné car ça devient vite un réflexe.

Cela nous fait progresser dans l'art du premier contact — Nous autres mammifères sommes programmés par la nature et l'instinct de survie pour porter un jugement immédiat et viscéral (du type ami/ennemi) au premier contact avec un autre mammifère (à la différence des imprimantes, qui elles choisissent systématiquement "ennemi", si vous avez remarqué). Plus nous serons entraînés à cet exercice, plus nos chances d'être spontanément catalogué(e) "ami(e)" lors du premier contact avec notre collègue sur le projet de notre vie/notre futur boss/notre client VIP. Certes cette catégorisation est temporaire en attente d'autres interactions, mais c'est un bien meilleur point de départ qu' "ennemi".  

Cela nous crée des opportunités — c'est fou le nombre de choses qui peuvent nous arriver au détour d'un simple bonjour. Apprendre une information intéressante avant tout le monde. Dissiper un malentendu. Apprécier l'humeur des uns et des autres. Pouvoir proposer son aide. Savoir auprès de qui on peut en obtenir etc. La plupart des réactions chimiques fonctionnent mieux à chaud parce que les molécules susceptible de réagir ensemble, agitées par la température, ont statistiquement plus de chance de se rencontrer. Faisons de notre bonjour quotidien le bec bunsen de nos opportunités professionnelles. 

"S'il vous plaît" et "Merci"

Dans le milieu professionnel nous faisons des choses les uns pour les autres, en permanence. Nous sommes alternativement clients et fournisseurs d'une multitude de choses, petites ou grandes. La plupart du temps nous ne faisons pas les choses que nous faisons par altruisme, mais tout simplement parce que nous sommes payés (par un client ou une entreprise) pour faire ce qui nous est demandé. 

Dans ces conditions, n'est-il pas hypocrite d'alourdir nos demandes de "s'il vous plaît" et de dire "merci" pour des résultats que nous considérons (bien souvent à juste titre) comme un dû ?

Personnellement je ne le pense pas, car il y a là aussi un certain nombre d'avantages à cette politesse élémentaire. 

En quoi cela nous rend-il plus efficaces ?

Cela nous met dans le bon protocole — On dit rarement "s'il-te-plaît" et "merci" à une imprimante (surtout bourrée. Si c'est nous qui le sommes, ça peut arriver, mais là on s'éloigne du sujet). Le fait d'employer ces mots-là dans des emails qui transitent cependant par les même tuyaux informatiques que ceux qui nous relient à ladite imprimante constitue un élément de protocole. Nous reconnaissons en les employant que nous nous adressons à d'autres êtres humains, pas des machines, ni des animaux de trait ou des esclaves. 

 Cela augmente nos chances d'être servi — Si au contraire nous faisons une erreur de protocole en employant un ton perçu comme offensant ou inapproprié car impoli par la personne à qui nous nous adressons, nous risquons de mettre cette dernière dans un état où elle aura bien davantage à coeur de restaurer sa dignité selon elle bafouée que d'accéder à notre requête. Faire ce que nous lui demandons sera alors de son point de vue jugé improductif voire contre-productif, d'où lenteur, mauvaise qualité, etc.

Cela protège la relation — Peut-être, mais bon, nous sommes son chef après tout, non ?  Nous allons faire "parler les galons" et on va voir ce qu'on va voir... C'est bien sûr une tactique possible, mais qui méconnaît que deux choses sont toujours en jeu dans une interaction: un but opérationnel immédiat et la relation de plus long terme entre les parties. Quelque chose qui a été obtenu sans mettre les formes jugées nécessaires à la demande (une forme ou une autre de "s'il vous plaît") et à la livraison (une forme ou une autre de "merci") laissera vraisemblablement des traces au niveau de la relation comme une "micro-injustice" qui ne sera pas oubliée et viendra colorer les relations à venir. Si au contraire les formes utilisées ont préservé la qualité de la relation, celle-ci ne sera pas "usée" lors d'une prochaine demande qui pourra alors se passer tout aussi bien.

Cela nous rend légitime pour dire autre chose — Je ne sais pas si c'est à René Descartes que nous le devons, mais je constate qu'en France nous avons l'esprit critique assez affuté. Ce n'est pas nécessairement une mauvaise chose en soi, mais il faut bien comprendre qu'une critique ne porte ses fruits que si elle est acceptée par la partie à qui elle s'adresse. Or si tout ce que nous renvoyons comme retour sur un travail ou une prestation qui nous est livrée ne concerne que des défauts, nous aurons du mal à nous faire entendre. Ici encore une forme spéciale de "merci" est utile, voire nécessaire: celle qui consiste à accuser réception de ce qui nous est livré en réponse à notre demande, et mieux, à lister également ce qui nous a satisfait dans ce qui nous a été remis. Et si rien ne nous satisfait dans le plat que nous ramène le serveur, réexaminons honnêtement la façon dont la commande a été passée pour nous assurer que nous avions bien précisé que vous n'aimions ni les olives, ni le thon, ni les haricots verts, ni les anchois dans la salade niçoise. 

"Non"

"Bonjour", "s'il-vous-plaît", "merci" sont des signes de politesse que nous avons tous acquis depuis l'enfance et que nous connaissons bien en tant que tels. Mais que fait "non" dans cette liste ? En quoi dire "non" est-elle une marque de politesse ?

Pour le savoir, il faut prendre conscience de ce qu'est le contraire de "non". Dans la vie courante, ce contraire n'est bien souvent pas "oui" mais plutôt... une absence de réponse.

Dire "non" coûte. Il demande une affirmation de soi.  Il implique une acceptation du fait que notre "non" va probablement frustrer l'autre. Il présuppose que nous soyons au clair par rapport à nos propres priorités. Bref, dire "non", c'est cher.  

Ne pas répondre, en revanche, peut apparaître (souvent inconsciemment) comme une option moins contraignante. Elle ne coûte aucune énergie puisqu'on ne fait rien. On peut toujours jouer avec l'idée qu'on répondra plus tard, échappant ainsi à une possible culpabilité. On ne ferme aucune option, et donc personne n'est (encore) malheureux. Et puis (c'est l'enfant en nous qui parle) peut-être qu'à force de ne pas répondre il est possible que le problème disparaisse de lui-même comme par magie...

Et pourtant savoir dire "non" rend service à tout le monde, d'où son enrôlement dans la présente liste des mots de la politesse professionnelle.

En quoi cela nous rend-il plus efficaces ?

Cela permet à l'autre d'avancer  — En répondant à une demande (même avec un "non") nous sortons la personne qui nous a fait une demande d'une zone d'incertitude où elle est bloquée. Nous aurons peut-être à mener une négociation avec elle, mais peut-être aussi (surtout si nous lui faisons des suggestions) pourra-t-elle trouver un autre moyen de satisfaire son besoin. Dans tous les cas, elle ne restera pas dans les limbes et la frustration d'une non réponse. 

Cela permet ne pas rester bloqué soi-même — Si nous avons l'habitude de prendre position dans un temps raisonnable par rapport aux demandes qui nous sont faites (ce qui implique de dire "non" à certaines de ces demandes), nous devenons plus légitimes à demander la même chose en retour à nos interlocuteurs. Nous réduisons ainsi en moyenne le temps durant lequel nos propres projets sont bloqués en attente de réponses qui tardent à arriver. 

Cela nous enlève une charge mentale — Préférer ne pas répondre à une réponse négative n'est pas aussi gratuit qu'il n'y paraît. Le fait que nous devons une réponse à quelqu'un traîne sur notre to do list (explicite ou implicite), ce qui consomme de l'énergie mentale, et à mesure que le temps passe, une certaine culpabilité de ne pas avoir encore répondu risque de monter lentement mais sûrement. Le fait de répondre "non", au contraire, libère cette énergie vers des usages plus productifs.   

Cela nous rend plus crédibles et engagés lorsque nous disons "oui" — Quand on ne sait pas dire "non", on dit souvent "noui". "Noui" signifie "je vais faire ce que tu demandes non par conviction, mais parce que je n'ose pas ou ne sais pas comment te dire non." Le "noui" se traduit en général par une exécution qui pêche en qualité et/ou en délai. Celui ou celle qui sait dire "non", au contraire, gagne la capacité à s'engager pleinement lorsqu'il ou elle dit "oui". Et son "oui" est plus crédible et générateur de confiance — le demandeur sait que ce "oui" est un choix assumé de ne pas dire "non" et non pas un médiocre "noui". 

"..."

J'ai écrit "..." faute de mieux pour signifier "ne rien dire et écouter en montrant qu'on est présent à l'autre", ce qui avouons-le est un peu long. On parle aussi parfois d' "écoute active" pour signifier que cette attitude exige un réel engagement.

Pour comprendre en quoi ceci est une forme de politesse, il suffit de regarder comment nous réagissons nous-mêmes lorsque 

  • nous sommes interrompus avant de finir nos phrases (même si c'est pour entendre "je suis d'accord" ou "j'ai compris") 

  • notre interlocuteur, qui a su rester jeune, est absorbé par un doudou (un téléphone portable par exemple) dans lequel il disparaît sinon corps et âme du moins doigts et yeux dans le courant de sa conversation avec nous

  • notre interlocuteur a les bras croisés, le corps penché en arrière, ou le regard furetant partout sauf sur nous, ou bien encore regarde sa montre

"Ne rien dire et écouter" est donc un élément de la politesse professionnelle en cela qu'il fait le cadeau à notre interlocuteur d'un bien précieux dans notre époque placée sous le signe de la multi-sollicitation: notre pleine et entière attention.

En quoi cela nous rend-il plus efficaces ?

Nous obtenons davantage d'attention de l'autre — offrir sa propre attention nous rend davantage légitime à demander et obtenir la même chose en retour. On l'obtient d'ailleurs assez souvent sans même avoir à la demander, par simple effet de mimétisme. 

Nous evitons le dialogue de sourds — les gens sont ainsi faits que tant qu'ils n'ont pas acquis la certitude que ce qu'ils ont à dire a été entendu, ils vont continuer à utiliser leur bouche au détriment de leurs oreilles. Quand nous parlons, nous envoyons des mots avec accusé de réception. C'est seulement lorsque cet AR est en notre possession que nous sommes suffisamment rassurés pour pouvoir à notre tour nous mettre en position d'écoute.  L'écoute active nous permet d'envoyer ces AR de manière fiable. 

Nous valorisons nos interlocuteurs — un être humain aime à être reconnu en tant que tel, et sera la plupart du temps mieux disposé vis-à-vis d'une personne qui lui envoie de tels signes de reconnaissance que dans le cas contraire. Il sera également plus enclin à nous envoyer en retour le même type de signaux, qui font aussi partie des choses dont nous avons nous-mêmes besoin au quotidien, comme l'air ou l'eau. Donner sa pleine attention à l'autre est un moyen simple et sûr de satisfaire nos besoins d'êtres humains de manière réciproque. 

Nous pouvons faire de meilleures réponses — laisser son interlocuteur aller au bout de sa pensée en lui accordant notre pleine attention peut sembler une perte de temps, surtout si on pense avoir saisi rapidement où il ou elle voulait en venir grâce à notre super-intelligence. En réalité, en le/la laissant finir, en laissant un temps de silence avant de répondre, voire même en commençant notre réponse par une reformulation de son idée, nous améliorons grandement nos chances de créer un dialogue plus constructif. Nous le faisons d'abord en acquérant plus d'informations (provenant de ses mots ainsi que de son langage non verbal — posture, intonations, débit, regard, etc.) sur ce qui nous est dit et la façon dont cela nous est dit, informations que nous pouvons mettre à profit au service de notre propre réponse. Ensuite, écoutant plus longtemps, nous nous donnons plus de temps pour réfléchir afin de rendre notre réponse plus pertinente. N'oublions pas que le temps à éventuellement minimiser n'est pas notre temps de réponse, mais le temps nécessaire pour que celle-ci soit comprise et reçue par notre interlocuteur. Une réponse plus lente, mais acceptée plus vite par l'autre, est donc bien souvent un choix judicieux.

Trop polis pour être honnêtes ? 

Même si le fait d'être civil(e)s dans notre milieu professionnel procure des bénéfices sur le plan de l'efficacité relationnelle, ce n'est bien entendu en tant que tel pas une motivation suffisante pour dire "merci" ou "bonjour", ce qui serait un peu cynique.

Mais rassurons-nous: nous ne sommes pas entourés d'imbéciles émotionnels, et le manque de sincérité est en général bien transparent... aussi pourquoi ne pas joindre l'agréable à l'utile en jouissant tout simplement du plaisir que procure au quotidien le fait de savoir interagir avec les humains au moins aussi bien qu'avec les imprimantes ?  

PS: Ce post est plus long que je ne l'avais imaginé en le commençant... Comme toujours, écrire invite à approfondir ce que l'on a en tête. Je suis preneur de vos retours, en particulier sur la longueur des posts, afin d'affiner mes productions futures. 

A bientôt !

 

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